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Présidentielle 2017 – De la maturité en politique



De la même façon que le Front National juge que la droite et la gauche, c'est pareil ("UMPS"), la plupart des électeurs de la gauche plus ou moins radicale pensent que Hollande a mené une politique de centre-droit pendant son mandat. Ils crient donc tous à la traîtrise, et déclarent qu'en aucun cas, ils ne pourront soutenir un candidat PS aux prochaines élections présidentielles. Pourtant, si F. Fillon est élu président, nous aurons l'éclatante démonstration qu'une politique de gauche, même molle, et une politique de droite, ce n'est vraiment pas pareil. Mais voilà : l'exemple écologiste, où Y. Jadot a été désigné à sa primaire, sur un mandat de non-alliance avec le PS, montre bien que ces militants n'ont pas plus de clairvoyance politique que ceux du Front National. Pour eux aussi, pas de différence entre droite et gauche socio-libérale.

Imaginer un monde meilleur est un exercice dans lequel les Français de gauche, les "progressistes" sont particulièrement bons. J'en fais partie, je l'avoue. Mais exercer le pouvoir, c'est autre chose : on hérite d'une situation complexe, de rapports de force puissants et très bien enracinés, de moyens limités, et on doit faire avec, y compris au niveau européen et international. N'importe quel responsable de gouvernement l'apprend très vite. Pourquoi le premier ministre grec A. Tsipras, issu d’une gauche radicale, est-il resté au pouvoir, à votre avis ? F. Hollande et surtout A. Merkel lui ont appris les réalités, et il a estimé, en bon homme d’État, qu’il valait mieux que ce soit lui qui gère cette situation, plutôt qu’un gouvernement de droite, qui aurait mené une politique encore plus dure. Gouverner, c’est limiter les dégâts, c’est arbitrer en permanence pour trouver la moins mauvaise solution. C’est être dans le monde réèl. A. Tsipras a tout mon respect.

Refuser, par principe, toute alliance avec le PS, et/ou avec F. Hollande pour la prochaine présidentielle, est une attitude parfaitement immature. Non seulement elle annule toute chance de rassembler "le peuple de gauche" pour faire face à la vague bleue qui s'annonce, mais en plus, elle ferme tout accès aux responsabilités des leaders des petits partis. C. Duflot, au gouvernement grâce à l'accord PS/écologistes de 2007, a fait des choses très intéressantes quand elle a été aux responsabilités (en particulier sur le contrôle des loyers en zone urbaine), et elle les a mieux faites qu'un socialiste conventionnel. Ceux qui pensent le contraire sont ceux qui n'ont pas été capables de mesurer les effets de son action, et/ou qui n'en ont pas bénéficié directement. Son action a certes été modeste (quoique ... ), mais elle est bien réelle. Et elle n'a pu la mener que grâce aux résultats d'un accord de gouvernement avec le PS, qui est, par la force des choses, le partenaire obligé pour arriver aux responsabilités.

La maturité en politique, c'est de distinguer le long terme (une société plus égalitaire), et le court terme, avec ses alliances insatisfaisantes, mais nécessaires pour être dans un gouvernement. C'est aussi, pour les écologistes, de distinguer d'une part le travail de terrain, le changement par les initiatives citoyennes et militantes, et d'autre part la nécessité de « monter » aux gouvernement, avec quelques compromis raisonnables, mais pour réaliser les changements de lois indispensables. Un bon exemple est l’économie sociale et solidaire, qui a besoin de nouvelles règles pour se développer : La loi Hamon a bien fait avancer les choses. Et personne ne peut dire que P. Canfin a fait du mauvais travail dans la coopération internationale. En plus, quand on est ministre, on peut organiser ses réseaux, mettre en place les organisations et les financements, former les partenaires, cela prépare l’avenir ...

Gens de gauche, ne laissez pas à la droite l'exclusivité du réalisme en politique ! Oui, dans le monde réèl, la seule solution aujourd'hui pour éviter la vague bleue dure, c'est une alliance de toute la gauche lors d'une primaire ouverte et complète. Le programme très à droite de F. Fillon le permet. Mais, comme J.-L. Mélenchon a été le premier fossoyeur de cette solution, et que les écologistes et les communistes sont dans la même attitude : tout sauf le PS, on ne peut être que très pessimiste. Cet aveuglement de la gauche radicale va nous coûter cher. Les classes moyennes, déjà durement éprouvées, vont souffrir, mais moins que les classes populaires qui vont tomber dans la pauvreté.

J'en veux beaucoup aux leaders de cette gauche qui ne veut pas gouverner. Ils ne sont pas capables de mesurer l'effet, certes faible, mais réèl, des actions gouvernementales de l'équipe en place actuellement. Ces leaders n’ont aucune expérience de gouvernement qui puisse les ramener aux réalités, et restent dans leur tour d'ivoire protestataire et égocentrique. J.-L. Mélenchon en est l’exemple caricatural. Ils ne comprennent pas qu’un pays est un système très lourd, très inerte, qui a besoin de politiques dans la durée, et où, sauf révolution, les changements sont progressifs. Oui, notre ennemi c’est la finance, mais on ne peut pas toucher facilement à un secteur qui emploie 372 000 salariés, et qui comporte quelques leaders mondiaux.

Ces leaders de la gauche alternative jouent plus ou moins volontairement la politique du pourrissement, qui ouvre la voie maintenant à la droite. Ils oublient ceux qui bénéficient des petites avancées (ou des moindres reculées par rapport aux autres pays) du gouvernement Hollande/Valls : clandestins et réfugiés moins vite expulsés, salariés qui bénéficient maintenant de la mutuelle universelle, locataires un peu mieux protégés des hausses de loyers, etc. Voilà le monde réèl. Mais c'est parce que ces leaders sont dans une position sociale de classe moyenne/supérieure qui leur permet ce luxe : ils n’ont pas absolument besoin demain d'une amélioration du quotidien. Certains en ont absolument besoin : les pauvres, les précaires, les relégués des banlieues ou du monde rural. Mais comme plus aucune gauche ne relaie leur voix, ils espèrent que les solutions simples du Front National leur apporteront enfin ces améliorations dont ils ont urgemment besoin.

D. Fourtune - Novembre 2016




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