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Qui soutient le port de l'abaya ?
Depuis
la décision gouvernementale d'interdiction du port de l'abaya (et du
kamis) dans les établissements scolaires gérés par l’Etat, on vu
passer sur les réseaux sociaux de très nombreuses protestations,
issues essentiellement des milieux militants de gauche plus ou moins
extrême. Il est très frappant de voir l'homogénéité des points
de vue, très souvent émis par des personnes de la génération des
moins de 40 ans. Ces avis ont pris la forme, quasiment tous, de
protestations contre une injustice visant à « stigmatiser »
les prétendues « victimes ». La plupart de ces
protestations ont été faites comme si les personnes émettant ces
avis étaient elles-mêmes directement concernées par la décision
en question. Le processus d'identification a joué à plein, d'autant
plus facilement que les personnes concernées par la mesure
d’interdiction sont, pour l'essentiel, de jeunes filles ou jeunes
femmes.
Ce processus d’identification est pervers, car
il empêche de réfléchir correctement. Je n'ai vu que très peu
d'avis qui ont été émis sur la base d'une analyse un peu
distanciée et complète, essayant d'estimer les avantages et les
inconvénients de la décision du gouvernement, qui justifie un
éventuel rejet. Notamment, et c'est le plus incompréhensible, je
n'ai vu aucune analyse des effets de cette mesure dans le domaine de
la diffusion des pratiques religieuses. C’est même plus grave que
cela : le fait religieux semble n’avoir aucune importance pour
ces militants et militantes, qui ne pensent qu’en termes de race ou
de genre, qui font comme si ces organisations du monde, d’ordre
religieux, n’avaient qu’une faible influence sur la vie
quotidienne des individus vivant en France.
Pour établir
une mesure publique, il faut mesurer avec soin les effets positifs et
négatifs, par rapport aux buts recherchés. C’est ce qui a été
fait dans les années 2000 au sujet de l’interdiction de fumer dans
les lieux publics : le bénéfice collectif a été jugé plus
important que la somme des protestations. Si le gouvernement avait
alors raisonné sur la base des protestations, s’il s’était
identifié aux fumeurs « discriminés », la mesure
n’aurait jamais été appliquée, et les cancers du fumeur seraient
bien plus nombreux aujourd’hui. Exactement le même raisonnement
doit être fait pour ce qui concerne le port de vêtements
« modestes » par les jeunes musulmanes : le sexisme
religieux a une influence globale toxique sur la condition de la
femme, il doit être combattu comme contraire à la valeur d’égalité
femme-homme de notre société, pour éviter, à l’avenir, une
multiplication des violences sexistes et sexuelles (VSS).
Il
faut le dire clairement : la plus grande partie de la jeune
génération, qui, et c’est très bien, veut faire advenir un monde
meilleur, est totalement aveugle aux effets du religieux, notamment
sur la place de la femme dans la société. Comme si la formation
politique de cette génération avait occulté cet aspect de notre
vie sociale. Comme si la pensée militante (à de rares exceptions
près comme une partie du mouvement anarchiste) avait soigneusement
évité de s’attaquer au religieux. C’est un déni total, une
grave carence de la pensée militante, un éléphant au milieu de la
pièce. Car, qui peut raisonnablement croire que les religions ont
une influence de second ordre sur la vie privée et sociale ? De
la même manière que les églises catholique et protestante ont eu
des effets dévastateurs sur le corps des femmes (le pire étant les
avortements dans la clandestinité), c’est l’islam qui,
aujourd’hui, pèse de tout son poids patriarcal sur les femmes de
cette culture arabo-musulmane.
Ce n’est pas pour rien
que deux femmes musulmanes sur trois ne portent pas le voile :
ces femmes ont bien conscience du poids que les autorités de l’islam
(pas toutes) veulent faire peser sur la vie des fidèles, à chaque
instant de la journée. Ces femmes savent qu’en France, les lois de
la laïcité leur permettent d’échapper aux ordres religieux. Et
beaucoup d’hommes aussi. Voilà pourquoi de nombreux ménages
d’origine arabo-musulmane, attachés aux valeurs de la république
française, changent de quartier dès qu’ils le peuvent, pour
échapper aux étouffantes contraintes religieuses. Et ils restent de
« vrais » musulmans.
Comment se fait-il que
tous ces militants et militantes qui protestent contre cette décision
gouvernementale ne pensent pas une seule seconde aux jeunes filles
qui, en dehors de leur milieu familial, ont enfin un espace « safe »
au sein de l’école laïque ? Qui peuvent enfin montrer leurs
cheveux aux garçons (et aux autres filles), au lieu d’être
éternellement soumises au puritanisme religieux ? Qui vont
peut-être pouvoir réfléchir sur leur religion, pour éventuellement
la garder, en changer ou la quitter ? Non, ces pensées sont
totalement absentes des réflexions de ces militants et militantes,
qui pensent que les religions sont des éléments forcément
bienfaisants du paysage, et qui pensent surtout que les jeunes filles
concernées sont à l’abri de toute contrainte familiale ou
sociale, et font, adolescentes, leurs choix en toute indépendance.
C’est évidemment une illusion.
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