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Ceux qui disent que le Hamas peut "détruire Israël" ne sont que les porte-parole
de l'extrême-droite israélienne (et du Hamas)


18 décembre 2023

Résumé :
Le gouvernement Netanyahou avait été averti longtemps avant le 7 octobre de la forte probabilité d'une attaque du Hamas de grande ampleur autour de Gaza. Malgré cela, il a négligé ces avertissements et laissé la frontière dégarnie. Ainsi, le Hamas a pu opérer avec la force et l'ampleur que l'on sait. S'il est incontestable que le Hamas est le seul et exclusif responsable du lancement de cette agression, et des atrocités commises, il est non moins incontestable que, si la frontière avait été correctement défendue, l'ampleur de cette attaque aurait été bien moindre, le nombre de morts aurait été très inférieur à 1200, et le nombre d'otages très inférieur à 240. L'attaque n'aurait pas été vécue par les israéliens comme un traumatisme unique dans son histoire, mettant le pays de nouveau face à un danger existentiel.
Pourtant, qui peut sérieusement croire que le Hamas fait courir à Israël un danger existentiel ? Il ne possède ni chars de combat, ni aviation militaire, ni canons de longue portée. Nous savons tous que Tsahal serait parfaitement capable de boucler hermétiquement la frontière avec Gaza pour empêcher de nouvelles sorties. Et une grande part des roquettes peut être neutralisée par le système de défense anti-aérien. Quant aux éventuels otages, une négociation avec libération de prisonniers palestiniens aurait pu avoir lieu, comme cela s'est déjà produit. Le Hamas constitue donc une menace sérieuse, certes, mais tout sauf existentielle, et elle aurait pu être contenue. Israël aurait pu assurer sa sécurité par une défense passive sans intervention au sol à l'intérieur de Gaza.
Les déclarations répétées du Hamas à vouloir "détruire Israël" ne sont que de la propagande, il en est objectivement incapable. C'est cette propagande qui fait peur aux israéliens, et rien d'autre. Cette propagande, relayée sans analyse critique par de nombreux experts internationaux, est très bien exploitée par l'extrême-droite israélienne, permettant ainsi à Netanyahou de faire oublier sa responsabilité et de justifier la riposte militaire sanglante à Gaza.
Il se reproduit ainsi le même scénario délétère que durant les crises précédentes, mais cette fois d'une ampleur inédite : chaque fois qu'Israël s'est senti menacé, ce pays a sur-réagi en voulant assurer "sa sécurité" en affaiblissant, dans les faits et par les armes, les capacités légitimes de son voisin, notamment en Cisjordanie. Et, chaque fois, cela mène certains groupes palestiniens à développer des capacités de combat non conventionnelles, chaque fois plus puissantes.
La seule issue intelligente serait dans la capacité des USA à faire revenir Israël à une mesure raisonnable des menaces qui pèsent sur lui, et à le forcer à comprendre que la reconnaissance des droits du peuple palestinien sur le territoire défini en 47 par l'ONU (ou
par l'arrêt des combats en 73) est la seule manière
d'affaiblir le Hamas, en proposant une solution politique non violente.

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Préambule : Le Hamas est une organisation terroriste d'inspiration religieuse, qui ne représente ni le peuple ni l'intérêt des palestiniens. Il doit être combattu par des moyens qui l'affaiblissent à terme, au lieu de le renforcer.

Depuis l'attaque du Hamas du 7 octobre, l'immense majorité des experts et journalistes portent et diffusent, parfois sans s'en rendre compte, l'idée dominante selon laquelle Israël est en état de légitime défense et fait face à un ennemi mortel déclaré. Cette idée, portée dès le 7 octobre au soir par les dirigeants d'Israël, se base sur le constat que l'attaque du Hamas a été d'une ampleur et d'une sauvagerie sans précédent, et qu'Israël est donc pleinement légitime dans sa volonté de destruction totale de son agresseur. Les règles d'engagement de Tsahal ont été considérablement augmentées, à la demande du gouvernement de crise, pour permettre d'atteindre cet objectif, ce qui provoque les dizaines de milliers de morts civiles que l'on sait à Gaza.

Examinons plus en détail cette idée de légitime défense, à la lumière des faits. Nous savons que le gouvernement Netanyahou avait été averti plusieurs fois, longtemps et moins longtemps avant le 7 octobre, de la forte probabilité d'une attaque du Hamas de grande ampleur. Malgré cela, il a négligé ces avertissements et a laissé la frontière avec Gaza dégarnie. Ainsi, le Hamas a pu opérer avec la force et l'ampleur que l'on sait, et cela pendant plusieurs jours, avant que Tsahal ne reprenne le contrôle de la zone.

De nombreux experts on bien documenté cette faille majeure de sécurité dans le dispositif sécuritaire d'Israël, mais je n'ai vu aucun d'entre eux estimer ce qui se serait passé si la frontière avait été correctement défendue. Pourquoi ? La principale raison est que le choc, dans les opinions, a été tel que l'attention s'est massivement portée sur les victimes civiles israéliennes, et notamment les otages. La plupart des observateurs et experts ont ainsi adhéré, sans prendre de recul, à la thèse de la légitime défense, sans l'interroger plus avant. Pourtant, s'il est incontestable que le Hamas est le seul et exclusif responsable du lancement de cette agression, et des atrocités commises, il est non moins incontestable que, si la frontière avait été correctement défendue, l'ampleur de cette attaque aurait été bien moindre. Si le gouvernement Netanyahou avait été compétent et responsable, il aurait demandé à l'armée de renforcer son dispositif de défense à la frontière avec Gaza (au lieu de prêter main-forte aux colons en Cisjordanie), et les populations des villes et kibboutzim voisins auraient été mises en alerte.

Il est évidemment difficile de dire comment l'attaque se serait déroulée, et quels objectifs auraient été atteints, mais on peut affirmer sans crainte que les dégâts auraient été nettement moins dévastateurs. En particulier, il est probable que les kibboutzim n'auraient pas été touchés de manière aussi massive, et que le festival de musique aurait pu être plus rapidement alerté. Peut-être même que le Hamas n'aurait pas eu le temps de prendre des otages, ni de perpétrer les atrocités qu'il a eu tout le loisir de faire dans les kibboutzim. Car il a eu beaucoup de temps, sans doute plus qu'il ne le pensait. Voilà l'erreur gravissime de Netanyahou et de son gouvernement, en n'écoutant pas ses services de renseignements : les très faibles effectifs militaires à la frontière ont laissé beaucoup de temps au Hamas. Avec une frontière bien défendue, et une surveillance de haut niveau, la réaction aurait été beaucoup plus rapide et le nombre de morts aurait été très inférieur à 1200. Peut-être 300 ? Cela change sensiblement le point de vue pour l'analyse après coup. Car l'attaque n'aurait pas été vécue par les israéliens comme un traumatisme unique dans son histoire. Il s'est passé ce jour-là, non seulement le traumatisme majeur de voir un ennemi barbare dévaster sa vie, mais aussi le traumatisme d'une perte de confiance historique dans son armée et son système de renseignement et de défense. Or, sur ce dernier point, c'est bien le gouvernement Netanyahou qui est seul et entièrement responsable. Le Hamas n'y est pour rien.

Je n'ai vu ni entendu ces réflexion nulle part. Portant, elles sont essentielles pour établir les responsabilités respectives. Car le résultat de cet enchaînement est que, surfant sur le traumatisme de la population, Netanyahou et son gouvernement ont pu affirmer qu'Israël était en état de danger vital, en péril existentiel, alors qu'ils sont, par leurs négligences, directement responsables d'une part de l'intensité de la catastrophe. Selon une rhétorique qu'il a bien rodée pendant des décennies, Netanyahou affirme encore une fois que tout est la faute de l'autre, qu'Israël n'est qu'une victime et que le pays a le droit à la légitime défense, ce qui lui autorise toute la démesure de sa réponse militaire. Le problème est que l'immense majorité des experts et commentateurs absorbe, accepte et retransmet cette doxa sans aucun recul critique, sans proposer de scénario alternatif, légitimant de fait dans les médias la réponse catastrophique de Tsahal à Gaza comme étant la seule possible.

Qui peut sérieusement croire que le Hamas fait courir à Israël un danger existentiel ? Le Hamas ne possède ni chars de combat, ni aviation militaire, ni canons de longue portée. Rien à voir avec l'Ukraine, attaquée massivement sur son sol en profondeur par les nombreuses colonnes de chars russes soutenus par l'aviation et des tirs d'artillerie. Nous savons tous que Tsahal serait parfaitement capable de boucler hermétiquement la frontière avec Gaza. Il reste certes le problème des roquettes et missiles tirés à partir de Gaza, mais une grande part peut être neutralisés par le système de défense anti-aérienne, renforcé au besoin par les systèmes des USA ou d'autres alliés. Et les roquettes ne sont pas un problème nouveau. Le Hamas constitue donc une menace sérieuse, certes, mais tout sauf existentielle.

C'est la mission première d'un gouvernement de gérer la réalité, de manière distanciée et objective, quand ses citoyens sont sous le choc. Or, pour celles et ceux qui suivent la politique israélienne depuis longtemps, on ne peut que constater qu'il se produit toujours même récit, sur la base de scénarios différents : le pays se vit massivement comme un peuple en danger vital permanent, alors que ce n’est plus le cas. En effet, depuis 50 ans, aucune réelle menace existentielle ne pèse sur le pays, qui est notoirement la plus grande puissance militaire de la région. Ni la Syrie, ni l'Iran, même coalisés avec leurs supplétifs (Hezbollah et Hamas), ne s'attaquent frontalement à Israël, et ses principaux voisins, qui étaient pourtant au début de féroces adversaires, ont signé des traités de paix, certains depuis longtemps. C'est le rôle de la dissuasion, conventionnelle ou nucléaire, qui a montré son efficacité depuis la guerre de 73. Pourtant, tous les dirigeants d'Israël, et en tout premier lieu Netanyahou, endossent encore et toujours cette angoisse vitale, sans prendre le recul nécessaire à une saine évaluation des menaces.

De son côté, le Hamas porte lui aussi, et très régulièrement, la menace de détruire Israël. Pour renforcer sa stature militaire d'abord, pour apparaître comme le seul soutien à la cause palestinienne ensuite, et pour faire peur aux israéliens enfin. Aussi étonnant que cela puisse paraître, cela marche très bien, surtout en Israël. Et cela sert objectivement l'extrême-droite israélienne, qui tient le même discours. Tétanisés par l'ampleur des massacres commis par le Hamas sur les civils le 7 octobre, une grande partie des israéliens croient que si le Hamas n'est pas totalement détruit, il sera en capacité de lancer de nouveaux des raids aussi meurtriers. Or, nous l'avons vu, c'est une crainte absolument infondée. Mais les israéliens, et surtout celles et ceux qui sont de culture et/ou d'origine juive, ont vu se réaliser le 7 octobre leurs pires cauchemars, le retour des pogroms, des barbaries de masse inaugurées par les nazis. Et, pour leur plus grande majorité, ils tombent dans les bras du « sauveur » Netanyahou, qui a toujours porté un discours et des actes sécuritaires intransigeants, pour les sortir de là. En oubliant que Netanyahou est directement responsable de la grave carence du système de défense le 7 octobre. Et sans comprendre, malheureusement, que les mêmes causes produisant les mêmes effets, et peut-être même en pire, un des résultats des destructions que commet Tsahal actuellement à Gaza sera de préparer plusieurs générations de féroces combattants d'Israël, rassemblés sous la bannière du Hamas ou d'une autre organisation terroriste.

Nous assistons ici au déroulement d'un cas d'école de prophétie auto-réalisatrice. Les mécanismes de survie collective d'Israël ont construit, depuis le début de l'existence de cet Etat, une culture de comportements de survie primaire, de défense aveugle, consistant, pour 80% des israéliens aujourd'hui, à détruire son voisin et à nier l'existence de ses droits légitimes, afin d'assurer sa "sécurité". Après la guerre de 73, chaque fois qu'Israël s'est senti menacé, ce pays a toujours réagi par une défense disproportionnée, menant chaque fois à un raidissement supplémentaire du côté palestinien. Nous assistons à une nouvelle étape, dans un parcours où les étapes sont de plus en plus terribles. La seule issue intelligente serait dans la capacité des amis d'Israël (en l'occurrence les USA) à lui faire reprendre pied dans le réèl, à faire revenir ce pays à un état de conscience lucide, à une mesure raisonnable des menaces qui pèsent sur lui, et surtout à l'inciter, voire le forcer, à comprendre enfin que son voisin a, lui aussi, des droits légitimes. Cette reconnaissance des droits du peuple palestinien sur le territoire défini en 47 par l'ONU (ou par l'arrêt des combats en 73) est la seule manière d'affaiblir le Hamas, en proposant une solution politique qui pourrait détourner le peuple palestinien de la violence. Or, même poussé par les USA, le gouvernement actuel d'Israël, démocratiquement élu, est totalement opposé à cette solution « à deux Etats ». C'est donc à une course à l'abîme inéluctable que nous assistons.



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